Les Eaux Pâles de l’Existence
L'esprit tourne comme une mystérieuse opale noire
Au doigt aminci d’un tourmenté fébrile
A son chevet, les Parques vêtues de fatidique moire
Consument leurs feux, tisseuses habiles
Nourries par l’astre topaze du vaste ciel
Aussi pur et antique qu’une turquoise persane,
Préparant la vie, mêlant l’amertume au miel
Accroupies et chuchotantes comme de rusées gitanes,
Elles offrent dans le cristal de la coupe précieuse
Le vin d’améthyste que Bacchus prépare pour elles,
Cette pourpre impériale enivrante et audacieuse,
La bouche, joyau éphémère aussitôt étincelle
Et mêle ses lèvres de chair à leurs lèvres de vent,
Au lapis-lazuli du ciel, cette blessure abstraite
Qui dispense un goût d’infini sans mouvement ;
Sans force à présent, il n’est plus de possible retraite
Pour la parfaite image de la vie, vérité scientifique,
Perle, goutte pleurant à l’oreille des mignons,
Que tu viennes d’un lointain golfe Persique
Nacre protectrice des irritantes frictions,
Ou bleuie par les nuits des longs chemins d’Australie,
Perle, beauté évadée de la pluie et du coquillage,
Ambrée par la fumée des encens de Birmanie,
Beauté évadée, tu es l’éternelle vie sans âge.
Un jour étendue, cherchant le repos dans des lits froissés
D’amour ou de solitude, déesse parant l’écrin,
Un autre, jouant le rôle d’être jusque dans la mort terrassée,
Coquetterie, afin de reposer au cercueil tapissé de satin.
Cassettes de velours embaumées par le santal
Coffres lourds, prisons où l’on enclos ton miracle
Vie, perle, sautoirs des reines, parures du mal
Farouches pensées, brutalisés et pâleurs fatales.
Les perles ont vu le sang couler, rouge comme rubis
Faire valoir de la fragilité de l’essence subtile,
Combien de carats, le poids d’une vie sur le tapis ?
Tient-il compte de la douleur, le lapidaire habile ?
Marchand qui compulse froidement de ses doigts calculateurs
Le diamant et le béryl médiéval, le saphir de Ceylan,
Soupçonneux des opales qui brillèrent de tant d’ardeur
Aux temps des pestes de Venise, sur ceux promis au néant.
Opale des Indes d’où naquit la grande sagesse
Opale de Hongrie, Orphanus, nom de l’opale unique,
Tel un orphelin glorieux de sa sublime détresse
Tu ornas la couronne du saint empire Germanique.
L’homme qui ne te possédait pas perdait toute chance
D’accéder à sa valeur, à son sceptre, à ses cimes ;
Opale, esprit dirigeant tout pouvoir, toute arrogance
Vineuse et blanche, pure, tu inspiras complots et crimes.
Opale de feu du Mexique, seule à pouvoir être taillée
Comme la pensée qui se torture, un jour tu devins maudite
Opale bleu, pourpre où tous les verts sont travaillés
Mosaïques de lumière déconcertante, tu tombas proscrite.
Pensée, ta chance tourne et danse comme un arlequin,
L’opale évincée par l’émeraude, est semblable à toi, elle est ta sœur,
Desséchées, l’une et l’autre par indifférence et mépris assassin
Vous dépérissez perdant brillance, dissipées dans la non couleur.
Hécate.