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Fado un chant
qui pleure
sans larme...
Fado un chant qui pleure sans larme « pour une larme de toi, je me serais laissée tuer » paroles d’un fado…
Des notes acides, les grains d’un chapelet, une gorge renversée d’où jaillit l’ailleurs de la nostalgie, l’attitude du fadista, altitude d’un autre bonheur, celui d’être triste par-delà la mélancolie, miroir perdu d’une joie envolée, d’un amour enfui, comme une mouette sur la mer de paille…
Le fado a son histoire… et le fado la chante, la joue, la berce, la danse aussi. Entre tendresse, cri et murmure. Controverse des origines… Populaire et royal. Chant de la mer, chant du vent, du sud ou du nord, des maisons de plaisir, celle ou les femmes du fado « ou femmes de la fatalité ». Telle la « Severa » devenue une légende dorée. Morte à vingt six ans, aujourd’hui encore le quartier de la Mouraria dans ses venelles présente au sol des pavés noirs et blancs dessinant une guitara, hommage à l’expression sublime de sa voix lente comme une caresse.
D’autres fantômes de ce dix-neuvième siècle, Umbelina l’Aveugle, Gertrude la vendeuse de châtaignes chaudes surnommée « la noire au bandeau ». Rita, démone d’un coupe-gorge, repaire de voleurs et de malfaiteurs. Marginalité urbaine et aristocratique, le fado est partout… et nulle part. Inédit et décalé.
En dépit de son entrée dans les salons, le fado incarnait le danger. « Le chant du fadiste est lui-même présenté comme une excroissance méprisable, comparable à celle d’un animal. Il évoque le chant d’un loup lancé au clair de lune », la voix brisée dans le larynx.
Fado, frontière des genres.
Dialogues de chanteurs qui rivalisent d’improvisations, jeux de mots, de moquerie. Quand un premier vers du fado annonce :
« Je vais te dire ».
Une autre voix rétorque parfois,
« Je ne veux pas le savoir »…
Fado, l’amour, une folie nécessaire.
« Ils vivent d’amour, laisse-les vivre ainsi
Laisse-les en paix, car ils sont fous
Ils sont fous comme nous le sommes encore
Ils aiment comme nous aimons toujours. »
(Mario Rainho, José Luis Gordo)
Le chant, un remède à la souffrance.
« Que Deus me perdoe »
« Si mon âme opaque pouvait montrer
Ce que je souffre en silence
Si seulement
Je pouvais raconter »
(Silva Tavares)
« Je chanterai jusqu’à ce que la voix me fasse mal »
Le fado, comme ami et remède. Une thérapie des maladies de l’âme. (Alberto Pimentel) Cependant ces vers très populaires soulignent ce caractère d’innéité du fado qui ne peut, ni s’apprendre, ni se choisir.
« N’est pas fadiste celui qui le veut
Est fadiste celui sur qui ça tombe. »
(Rodriguo de Mello).
Saudade, délivrance du temps. La « Saudade habite la mer » dit une morna du Cap Vert. Les frontières perdues sur l’échelle du temps se réinventent et bercent de plaisir ce qui pourrait être de la tristesse.
« Aux heures de notre vie
Chaque heure et une minute.»
(Antonio de Bragança.)
L’illettrisme du fado, côtoie les plus grandes plumes de la poésie, de Camoens à Pessoa. Après les jours sombres de la dictature, le fado est une renaissance…
Il y a le fado de Lisbonne.
Il y a le fado de Coïmbra, celui qui s’élance du cœur amoureux d’un étudiant sous le balcon de celle qu’il aime et qu’il veut charmer.
Pessoa encore qui a su dire si bien ce qu’il en est du fado, cette lecture de la vie.
« Ainsi, le chant des peuples triste est gai.
et le chant des peuples gais est triste.
Le fado, quant à lui, n’est ni gai ni triste,
C’est une période d’intervalle. »
Je n’ai pas besoin de comprendre les mots pour aimer ainsi le fado, il m’a murmuré très tôt quelque chose d’indicible qui palliait un manque, lequel, je ne sais le dire. Le fado et moi, est une longue histoire silencieuse. Et ce livre, n’a pas détruit les rêves construits autour des violes et des guitares et des brisures de ces voix étranglées sur des sanglots avortés…
Dois-je compter les enregistrements multiples glanés aux long des années ?...Non…
Ce livre est complétude. Il est accompagné d’un CD qui offre un survol… de ce qu’est aussi le fado… De nombreux textes sont traduits à qui ne sait la langue portugaise et veut pénétrer plus au profond…jamais ennuyeux on peut en tourner les pages, parcourir au hasard, comme on lirait un roman, le roman du fado et son histoire…
Entrer en Fado, c’est partir en voyage…celui qui se fait en fermant les yeux…ailleurs, ici, maintenant, l’instant… l’envol.
« Si une mouette venait
M’apporter le ciel de Lisbonne
Dans le dessin quelle ferait
Dans ce ciel où le regard
Est une aile qui ne vole pas
S’évanouit et tombe à la mer…»
(Alexandre O‘ Neill)
Hécate
Edition: Chandeigne 2009.