LOIN DU FLORE
de
Méziane Aden
Il y avait bien longtemps que je n'avais rencontré un livre qui me touche vraiment, un livre où la poésie s'épanche avec cette fluidité vibrante de sensibilité où s'entend la musique discrète de la sincérité qui fait écho. Une voix...un murmure...
Tout d'abord mon attention est retenue par l'habillage du livre, première de couverture , mauve délicat de la bruyère, puis l'édition Le Clavecin des Prés qui rappelle Rimbaud : (La main d'un maître anime le clavecin des prés.) et plus encore l'autoportrait de la quatrième de couverture...
Et puis, au hasard, je lis quelques vers, quelques phrases...
" Tous le je me ressemblent
Me rejoignent me touchent m'offrent leur sève et leurs émois
Aucun je n'est un autre
Rien ne m'est étranger ni ne m'indiffère
Tout ce qui vit même un instant traverse le même univers
Regarde le même horizon et goûte au même ciel..."
Les pages se tournent entre mes doigts, le regard arrêté ici ou là
" Longtemps je n'ai eu d'humain
Que la forme que les apparences..."
" Je suis né à la frontière des métamorphoses de mondes se déployant sans limite et sans fin..."
De fines illustrations, gravures anciennes du Club Gutemberg situent l'intemporalité de toutes les poésies du passé les joignant avec celles du présent.
" Mes racines flottent au vent
au-dessus des eaux et des sables
de lagunes salées parées d'écume
de récifs comme des cristaux sans fin
à vrai dire je n'ai plus de pays
rien qui ne me retienne
ici ou là
à l'un ou l'autre rivage..."
Depuis l'acquisition de ce recueil, j'ai commencé à publier ici et là sur Facebook des bribes qui me plaisaient, même des poèmes complets bien reçus dans l'ensemble par ceux et celles qui suivent mon parcours, et, après bien des hésitations, j'ai écrit à Méziane Aden afin de lui demander l'autorisation d'écrire une chronique sur son recueil qui m'enchante et me bouleverse.
" De la prison du réel nous n'avons, les yeux remplis de larmes, rien à dire
Ciel, terre, feu, océan, or joyaux ...etc. ne sont que des reflets, des apparences, des dons éphémères auxquels, il sera nécessaire et impérieux un jour ou l'autre de renoncer..."
" J'ai l'espace temps et je nage entre les couleurs."
Méziane Aden a vécu à Paris, puis maintenant il est à Loches depuis 2001. Il préfère vivre à présent plus près de la Nature, plus calme, il aime les arbres, le silence éloquent des très vieux arbres...de hêtres en particulier et n'hésite pas à se relever la nuit pour écouter le chant du rossignol.
Il aime la peinture et la musique dont il dit qu'elle est "une déesse qui s'offre à tous, sans pudeur, ni frontière ni retenue, et qui pourtant demeure toujours pure et fidèle."
Ce recueil m'est précieux et au risque de me répéter, il est une douce présence, c'est une joie de lire ou relire ces ballades poétiques et tous ces murmures confidentiels aux charmes indicibles...
Il était présent cette année le 28 août à La Forêt des Livres cette grande fête de la littérature organisée par Gonzague Saint Bris et, Méziane Aden a eu la générosité de partager avec moi, avec vous, lecteurs, lectrices ce qu'il avait écrit alors pour s'expliquer sur son livre Loin du Flore.
Hécate.
« J’écris depuis l’âge de quinze ans, depuis la découverte de Baudelaire et de Rimbaud, depuis la lecture des «Fleurs du Mal» pour la perfection du style et la puissance, la profondeur des thèmes abordés, le Spleen et l’Idéal, ce « frisson nouveau » qui parcourut la littérature du XIXe siècle et qui nous touche, nous émeut encore aussi intensément aujourd’hui, et celle des «Illuminations» qui fut comme un éblouissement, une révélation, celle du pouvoir des mots et de la poésie vivante, en mouvement... Au-delà des formes figées et des conventions, comme la naissance d’un nouvel univers, créé par la magie des mots, des visions, des ellipses, d’un sens musical inouï, des assonances. D’autres « phares » ensuite firent naître depuis mon adolescence dans mon cœur admiration et inspiration, comme Villon, Du Bellay, Ronsard, Apollinaire, Aragon, Eluard, Char... Les textes de ce recueil « Loin du Flore » sont une sélection de feuillets écrits sur une période d’une vingtaine d’années. Ce sont comme des extraits d’un journal secret, des moments de vie, des rêves, des visions, des espérances comblées ou déçues, plus que de véritables poèmes. Le plus souvent chaque texte s’impose à moi, surtout la première phrase, la première alliance de mots qui résonne soudain et fait vibrer la bonne corde, jusqu’à atteindre peu à peu sa forme et sa sonorité justes, le mariage réussi des idées et de la forme qui les cristallise avec justesse.. Je mets le meilleur de moi-même dans chaque poème, le cœur à nu, sans fards ni faux-semblants, ainsi il n’est besoin de rien d’autre pour me découvrir, mieux me définir ou mieux me connaître...»
Méziane
Les Editions Le Clavecin des Prés juin 2016 prix 8 euros. Contact : meziane.aden@gmail.com