Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Guillaume Apollinaire 1880 - 1918
Interprêté par Serge Reggiani.
LETTRE A GUILLAUME APOLLINAIRE
Guillaume, la Seine coule toujours sous les ponts
Faut-il qu’il nous en souvienne
Tes pas sonnent encore sur les quais de Paris
Tu pleurais d’amour
Et dévorais la vie
Tristesse et appétit
Tout l’or des sirènes
Dans ton verre
Toutes les cuisines du monde
Dans ton assiette
Le goujon marié avec la marjolaine
« Brin de bruyère »
« Odeur du temps »
Brins de persils
Cheveux verts sur la nacre de l’œuf
Le jour a vieilli, le soir est neuf
La nuit écrit à la craie bleue
Comme au temps d’antan
Les menus aux ardoises des restaurants
Une croix de guerre
Au front une étoile rouge
Entre jadis et naguère
« Closerie des Lilas », un verre d’alcool
Le sang du monde
Et tout l’or des vins du Rhin !
Guillaume, la Seine se souvient de toi
Pour vos noces, elle changerait bien
Son eau en vin comme à Cana
Pour t’écouter encore dire tes vers
Avec l’aube debout sur les cageots des Halles
Et l’Herbe Sainte et les tisanes de Moselle
Quand tu emmenais à table les demoiselles
Costume clair avec chapeau, rubis au doigt
Et que sonnait ton rire de grand lama
De Montmartre à Montparnasse
Sans que leurs ombres jamais ne se lassent
Toujours passent et repassent
Dans le brouillard du passé
Le lent cortège d’Orphée
Peintres, amis, amours,
Les saltimbanques de la plume, les rimeurs
Et les anciennes voix des rumeurs…
« L’Ange gardien » et ses mauvais garçons
Les papillons de nuit au jardin des violons
Sur la Butte, la voix de Frédé
Et ta chanson, Guillaume, celle du Mal - Aimé
Tes rendez-vous au café «Vachette »
Pomone et Cérés, les fruits confits
La poésie, ton automne et ton été
Ta gourmandise, la galanterie, les fantaisies…
« Adieu saison qui finissez »
Quand vient la nuit et sonne l’heure
Tout s’en est allé et tout demeure
« Sous le pont Mirabeau coule la Seine »…
écrit par Hécate