Promesse de printemps
Aube de la violette qui comprend le printemps,
Modeste pudeur esseulée
Au vert tapis du renouveau,
Nuit moins profonde au lit du temps.
Dans le château du rêve
L’éternel monarque en tenue intemporelle
Lycanthrope de la volupté
Met ses gants devant le miroir ;
Point de reflet, la solitude n’en veut pas !
Celle qu’il a amenée, des pensées
Renvoie le velours profond des pétales,
Et ranime en ses yeux blasés
L’appétit perdu que retrouvent parfois,
Loin de leurs bois et de leurs plaines,
Les bêtes sauvages et captives
Dont l’iris de l’œil s’est fané.
Ni ange, ni démon, à peine homme
Visage sculpté dans une beauté
Dont le terrible se dissimule dans l’ombre,
Lèvres closes comme des roses, sur deux crocs d’ivoire.
La créature de ses noces de sang
Lève des échos dans sa destinée.
Toutes les fenêtres regardent vers le Nord
Une chambre, une seule s’ouvre sur le soleil
Le soleil de l’aube justement,
Pour l’or dans les draps
Quand elle ouvrira les yeux
Encore enlacés à la pervenche du rêve.
Une perle, une larme sur sa joue,
Le printemps brise intime
Qui réveille des langueurs
Qui assaille le cœur …
Le creux de son épaule, muscle fleur
Epanoui sous l’averse de sa chevelure …
Il lui a promis ce château, des cages pleines d’oiseaux
Et des robes périssables comme des fruits.
Il l’entend écouter le croassement
Des corbeaux impatients de la rencontrer :
« Bien-aimée, la vie s’use vite,
Tu es entrée dans la cage sans savoir …
Ecoute le cri saisissant qui déchire
Sans briser jamais les murs de la demeure ;
Je goûterai le suc de ton sourire
La grande nuit barbare est une épine …
Tes doigts blancs comme le péché
Ne vont plus tarder à se cacher
Dans le noir plumage des seuls anges
Qui comprennent mon cœur démiurge ;
Il est des ailes comme des feuillages
En leur abri, l’enchantement tient
De la graine du pavot,
De la douceur d’un vent de mai.
En ces lieux, l’espace est une pesanteur,
Les pressentiments sont nombreux comme les fleurs
D’un jardin cultivé pour la lumière.
Il n’est possible, ici, que la flamme des bougies.
Comme l’ombre fossilisée je suis.
Je serai ta parure, ton collier, ta bague …
Tu me porteras comme on porte son passé
Riche de connaissances et plus encore … »
Détruire la jeunesse est si facile
Que cela cesse d’être un jeu. Un hasard, peut-être ? …
Le sang obscurci attend le renouveau,
Le désir est une jacinthe fraîche éclose.
Une porte grince, la baignoire sur ses griffes,
Tapie dans la pénombre, l’invite :
Toilette de printemps, eau tentante comme la rosée,
Sur le seuil, elle s’étonne et se ravie …
L’amante est seule face à l’agrément de son tourment.
A travers les couloirs, les escaliers, le vide,
Elle frissonne comme une herbe effrayée
Sous l’ombreuse froideur d’un cyprès.
La présence de l’amant est puissante comme un parfum,
Il se tient quelque part, avec des promesses de talismans,
Des mots de pacotilles, des cadeaux coûteux
Dont il lui faudra, elle le sait, goûter le prix …
Un narcisse dans un vase d’étain l’émeut.
Le printemps est là avec ses chaînes d’argent,
Manteau de Vénus, léger comme une aile
Couleur de lilas, amer comme la saveur du sang.
Hécate