Adonis
« Quelle est douce cette bougie !
Elle ne consent à faire ses adieux à la nuit
qu’en essuyant ses larmes. »
« Chaque jour, le soleil laisse des lettres
au bord de ma fenêtre.
La nuit seule sait les lire. »
Né en 1930 près du port syrien de Lattaquié, Ali Ahmed Saïd Esher a grandi à l’écart du monde moderne. Pas d’électricité, pas de cinéma, pas de voiture.
Une destinée aussi étonnante qu’un conte oriental. A douze ans, désobéissant à ses parents, il participe aux joutes rimées dans la ville voisine où le premier président de la République syrienne se trouve en visite officielle. Arrivé pieds nus, couvert de la poussière de la route, il est écarté, il insiste. Impressionné par la déclamation de son poème qui subjugue l’assistance, le président veut récompenser Ali Ahmed. Il demande seulement à entrer dans une école secondaire.
«Ce fut pour moi comme une révélation, une épiphanie que je ne cesse de questionner et que je ne comprends toujours pas. » (Adonis)
« Le dieu de l’amour est né en même temps que moi que sera donc l’amour lorsque je serai mort ? »
Lassé de ses poèmes refusés dans les revues arabes, il a dix sept ans, il prend le nom d’Adonis. Ce mythe d’un dieu né d’une fleur rouge, d’un dieu né de la mort et de la résurrection va porter sa poésie au monde.
Adonis le païen mystique !
« J’ai mes secrets pour marcher
sur la toile de l’araignée
J’ai mes secrets pour vivre
sous les cils d’un dieu qui ne meurt jamais. »
« Sans attache, parce que déraciné ; sans repos parce que fils de l’inquiétude et d’une histoire massacrée ; sans illusion parce que voué à la vision lucide, âpre et nue ; sans faiblesse parce que revenu des au-delà de l’enfer, Adonis s’abreuve aux étoiles excessives qui égarent plus qu’elles ne mènent aux lieux saints. Sa poésie, hors de toute obédience doctrinale, continue d’interroger et de décaper. Elle aborde, par accélérations successives et sursauts incantatoires le thème d’une identité poétique et humaine, thème inexploré depuis la mise en garde coranique. Ici se cherche l’être même de la parole, entre ruines et enfance, éloignements et sang, amour et légendes. » (André Velter)
Adonis est Mémoire du vent, Charmeur de poussière, Refuge dans l’éclair, Chants pour la mort, Chants pour l’amour, Miroir, Rose, Perle, Orient et Occident…
« Un temps s’écoule, un temps s’enfuit
comme l’eau
Et moi aussi je cours…
Je suis venu
Encre était le monde sur ma route
Phrase tout frémissement
J’ignorais qu’entre nous
un pont était jeté – foulées
de flammes et prophéties
Un pont de fraternité…
Me voila pareil au fleuve
et je ne sais comment en tenir les rivages
moi qui ne sait rien excepté la source
l’errance où vient le soleil comme magique herbe noire…
« Mon corps est mon pays. »
Adonis l’exilé, s’installe à Paris en 1986.
« Ô ami, ô fatigue…
Ô jasmin des destructions, ô rose de sang !
Oui
mon rêve a le droit de délaisser mon corps
et mon corps a le droit de trahir l’insomnie,
l’insomnie qui le hante. »
« Le chant traverse tous les canaux de l’esprit et de la chair avant de se poser sur les lèvres et partir pour demeurer chez les autres. La poésie a toujours été dans les anciens temps déclamé, chantée ou dite. » (Abed Azrié)
Abed Azrié, voix de chair et de vent sculpte les mots, la langue du chant, la plus vielle langue du monde.
Il a chanté Omar Khayyam, Ibn Arabi, Samih Al Quassam… d’«Aromates » à « Lapis Lazuli » il a chanté « Fleur d’alchimie » et « Pont de larmes » d’Adonis.
Une profonde amitié au long fleuve des années.
Abed Azrié chante à nouveau Adonis.
Un aboutissement de toute beauté en rupture avec tout archaïsme.
Un CD et le DVD du récital donné le 14 mai 2011 à l’Institut du Monde Arabe.
Harmonia mundi distribution.
A regarder et à écouter ici un extrait :
« Commencement du chemin ».
La nuit était papier et nous étions encre
(Tu m’as demandé)
« As-tu dessiné un visage ou une pierre ? »
(Je t’ai demandé)
« As-tu dessiné un visage ou une pierre ? »
Je n’ai pas répondu
Tu n’as pas répondu
Nous nous sommes épris de notre silence
Qui n’a pas de chemin
Comme notre amour qui n’a pas de chemin.
Hécate.