A L'AN NOUVEAU
par Théodore Botrel
1868 -1925
Bien que ton petit pied nous pousse
Sournoisement vers le tombeau,
Nous arrivons à la rescousse
T'acclamer, petit An nouveau !
Sur le bras qui tremble, alangui
De l'an moribond qui t'apporte,
Tu sembles un bouquet de gui
Fleuri sur une branche morte !
Petite année à peine éclose,
Enfant de mystère vêtu,
Dis-moi, dans ta menotte rose,
An neuf, que nous apportes-tu ?
Viens-tu par quelques lois heureuses,
Donner aux gueux, sans toit, sans pain,
Mieux que de belles phrases creuses
Qu'il épelle en crevant de faim ?
Vas-tu, dans toutes nos cités,
Faire enfin pour ta grande gloire,
Fleurir toutes les libertés ....
Y compris celle aussi de croire ? ...
Allons-nous, dans les cieux, aux voiles
Déchirés par tes doigts menus,
Voir surgir toutes les étoiles
Que des aveugles ne voient plus ?
Viens-tu pour éclairer tous ceux
Que la marche en avant irrite,
Mais aussi les fous dangereux
Qui vers l'avenir vont trop vite ?
Va-t-on dans l'aube qui commence,
Sur ton ordre par toi jeté,
Entonner dans un chœur immense
Un hymne à la fraternité ?
Bref que couves-tu, dans ton nid,
Pour la grande famine humaine ?
- Si c'est de l'amour, sois béni ! ....
Sois maudit si c'est de la haine !